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passer des tempêtes démagogiques au calme étouffant des dictatures, combien d’âmes sauront se tenir debout ? Voici quel est sur ce point notre ferme foi. Malgré le divorce qu’on veut établir entre la religion et la liberté, le petit nombre des grands cœurs qui résisteront à la servitude, qui se refuseront à l’apothéose de la violence populaire et de ses tyranniques incarnations, qui porteront plus haut que toutes les séductions et toutes les craintes leur persévérant idéal, ces âmes fortes seront des âmes chrétiennes. Pour elles et par elles on aura vu naître une nouvelle poésie, la vraie poésie religieuse. Les semences de fermeté et de grandeur que dépose en nous la foi, une sérieuse éducation et la littérature elle-même les auront cultivées. La mission de la poésie est de tirer des bons sentiments cette fleur du bien qui se nomme la beauté ; de la droiture elle fait la noblesse, du respect elle fait l’enthousiasme, de la compassion elle fait l’amour, de la constance elle fait l’héroïsme. En dehors de ces viriles émotions, il n’y a pas de poésie chrétienne. Quand seront venus les tristes jours que l’on peut prévoir, si quelques-uns des nobles survivants du spiritualisme et de la dignité humaine reconnaissent dans nos poëmes leurs propres aspirations, s’ils y trouvent de quoi raviver un moment leur foi et leurs espérances, c’est assez pour notre livre, et nous ne lui souhaitons pas d’autre succès.

Août 1859.