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De tous ceux qu’il aimait il connut l’abandon,
Et, contraint de pleurer leur lâche ingratitude,
Tout autour de son cœur sentit la solitude !

C’est qu’à voir le néant au fond de l’amitié,
L’âme la plus divine est brisée à moitié ;
Qu’aux heures du combat, et pour croire en soi-même,
Le plus fort a besoin d’avoir quelqu’un qui l’aime,
Un cœur qui le soutienne et qui l’aide à mourir ;
Que souffrir sans amis, enfin, c’est trop souffrir !

Dès qu’aux soldats livré par l’apôtre des traîtres,
Le Dieu resta captif des princes et des prêtres,
Ses amis, oublieux des miracles passés,
Ont douté de leur Maître et se sont dispersés;
Car la peur enchaînait ces âmes inactives
Qui n’avaient pu veiller au jardin des Olives.
A l’aspect de la croix les plus fermes ont fui:
Lazare, du tombeau ressuscité par lui !
Simon même, Simon, cette forte poitrine
Sur qui doit se bâtir la maison de doctrine,
Qui seul osa tirer le glaive du fourreau,
L’a renié trois fois jusqu’au chant de l’oiseau,
Et, loin du rude autel où la victime monte,
Il cache maintenant ses remords et sa honte.