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Et pris pour puiser l’eau des terrestres fontaines
L’amphore où dort le vin jusqu’aux Pâques lointaines !

Seigneur, dans le troupeau des robustes humains,
Il est de beaux enfants, frêles et blanches mains,
Trop faibles pour lutter durant la vie entière
Et se voir obéir par la lourde matière ;
Ils ne savent pas faire, avec les socs tranchants,
Jaillir les blonds épis des veines de vos champs,
Aider les nations à construire leurs tentes,
Tisser de pourpre et d’or les robes éclatantes,
Et charger les vaisseaux sous un ciel reculé,
Des tapis d’Ecbatane ou du fer de Thulé.
Est-ce donc, ô mon Dieu, que leur grâce inféconde
Est livrée en opprobre aux puissants de ce monde,
Et qu’à votre soleil chacun leur peut ôter
L’humble coin qu’il leur faut pour prier et chanter ?
Est-ce qu’au jour marqué pour la grande justice,
Afin qu’aux yeux de tous votre enfer accomplisse
L’anathème porté sur les rameaux oisifs,
Vous frapperez ces fronts amoureux et pensifs ?

Préférez-vous au lac les grands flots des rivières,
Et la roche inflexible aux tremblantes bruyères ?
Les fleurs et les oiseaux vous sont-ils odieux ?