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la liberté ont été taxées de démence et d’orgueil. Indifférent, disait-on, à toutes formes de gouvernement, il en est cependant que l’on n’hésite pas à condamner : toutes celles qui exigent des hommes le sentiment de leur dignité, l’activité et l’indépendance du caractère et de l’esprit. L’alliance avec les pouvoirs despotiques, si naturelle au matérialisme de tous les temps, est préconisée par les chrétiens du nôtre comme le refuge et l’honneur de la religion. Il est plus facile de renoncer aux luttes qui remplissent la vie du citoyen dans les États libres, que da résister à l’oisiveté, au luxe, aux gains faciles qui s’accommodent si bien du contraire de la liberté. En haine du péché d’orgueil, on se garderait bien de se faire serviteur obstiné d’un droit vaincu, d’une liberté détruite ; mais l’on devient, par résignation, courtisan de la force triomphante. On gémit des hardiesses de la raison et de la science, on parle avec dédain de leurs conquêtes et de leurs œuvres ; mais transformées en instruments de richesse et de luxe, on les applique au gain avec âpreté ; et, tout en méprisant le noble génie qui les produit, on s’asservit aux vulgaires jouissances qu’elles procurent.

Cette indifférence pour les devoirs politiques, pour les mâles plaisirs de la liberté et les joies de l’intelligence, livre aux soucis de l’égoïsme, aux puériles distractions, aux futilités mondaines, l’immense part de la vie que n’emploient pas les pratiques dévotes. Il s’est ainsi formé de nos jours ce que j’appellerais, si ces deux mots ne hurlaient ensemble, un épicuréisme chrétien. Toute une littérature douceâtre et nauséabonde a pullulé de cette école : plats romans, fades poésies. Les chemins sanglants du Calvaire ont été inondés d’une pluie de fleurs artificielles