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Ô toi, parole ! ô voix, qui féconde et qui crée,
        Parole, ô don terrible et grand,
Part de l’âme divine à l’homme conférée,
        Parole, un des noms que Dieu prend !
Ô parole, ô puissance, ô forme diaphane
        De tout ce que l’œil ne voit pas,
Ô verbe, ô poésie, en ce siècle profane,
        Combien n’as-tu pas de Judas ?
Les hommes d’à présent ne se font tes apôtres
        Que pour te vendre à meilleur prix ;
Et nos pharisiens, à l’exemple des autres,
        Te poursuivent de leur mépris ;
Ton sanctuaire est plein de vendeurs, de faux prêtres,
        Scribes, trafiquants éhontés,
Chiens qu’on voit aboyer au signe de leurs maîtres,
        Contre les saintes vérités ;
Là se vend le sophisme, à la page, au volume ;
        Là tout vil mensonge a son taux ;
Là se dresse l’échoppe, où le valet de plume
        Exploite l’ignoble et le faux ;
Là se cote le prix des pamphlets, des harangues ;
        Se règle la part de chacun ;
Là se tresse le fil qui fait mouvoir les langues
        Du courtisan et du tribun.