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Oui, vous êtes bien l’Homme ! Oui, ce sang et ces pleurs,
Tout vous atteste, ô Christ, pour le roi des douleurs !

Eh bien ! pourtant, Seigneur, même au jour du supplice,
Vous n’avez pas à fond vidé votre calice !
Vos lèvres n’ont pas bu le flot le plus amer
Qui monte en bouillonnant de cette vaste mer…

Vous n’avez pas en vain pleuré sur une tombe,
Écueil où des élus la foi même succombe ;
Vous n’avez pas en vain rappelé votre ami
Du sommeil éternel en vos bras endormi !
La mort, qui pour jamais nous brise et nous sépare,
A votre premier pleur vous a rendu Lazare.
Vous n’avez pas connu le sombre désespoir
D’invoquer ceux qu’on aime et de ne plus les voir,
D’appeler sans réponse un compagnon de route
Qui nous suivait de près, n’ayant tiédeur ni doute,
Qui, dans tous vos ennuis, vous cherchait, sûr et prompt,
Comme pour l’appuyer la main cherche le front !
L’avare mort n’a pas, avant que vînt votre heure,
Des parts de votre cœur emporté la meilleure ;
Nul éternel adieu ne vous a laissé seul ;
Vous n’avez point fermé de funèbre linceul ;