Page:Laprade - Poèmes évangéliques, Lévy, 1860.djvu/21

Cette page n’a pas encore été corrigée

oïque, et, lui donnant son sens véritable, elle l’a rattaché aux dogmes essentiels que tant d’illustres sages avaient méconnus. Ce défi lancé à la douleur, qui dans la bouche du stoïcien partait de l’orgueil autant que de la sagesse, et n’était souvent qu’une explosion passagère de l’énergie individuelle, il est devenu, sur des lèvres chrétiennes, l’acte le plus habituel de la foi, sans cesser d’être la merveille du courage. Il atteste en même temps la puissance de la volonté humaine et sa merveilleuse union à la volonté divine. Mais afin d’opérer un tel prodige, il a été nécessaire qu’acceptant lui-même toutes les misères et tous les combats, un Dieu fait homme vînt proclamer du haut de la croix cette vérité contre qui la chair se révolte : la douleur n’est pas le mal ; elle est le remède.

Voyez, depuis la chute originelle, quelle place immense tient la douleur dans le plan de la création 1 N’y serait-elle donc qu’une fantaisie cruelle du maître souverainement bon ? Puisque le Créateur l’impose à son œuvre, n’est-ce pas parce qu’elle est nécessaire à notre perfectionnement ? Ce que Dieu a créé, la douleur l’achève. C’est par elle que se constitue cette personne humaine qui doit devenir capable de goûter l’infini, de se plonger en lui sans s’y confondre. La douleur nous fait sentir à la fois notre limite et notre grandeur, notre faiblesse et notre force. L’homme apprend d’elle qu’il est un être borné, mais qu’il est une volonté libre à l’image de l’être sans bornes.

Toutes les opérations merveilleuses de la douleur au sein de la création, et tous les prodiges qu’elle accomplit dans l’âme humaine, tout ce qu’elle suscite d’activité, d’intelligence et d’amour dans la vie sociale, tous les trésors dont elle enrichit la vie mystique, il ne nous appartient