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surtout qui allaient au-devant des privations, des combats et de la douleur ?

Au moment où s’écroulait la société antique, où la sagesse humaine .s’affaissait épuisée de ses propres chefs-d’œuvre, en attestant la nécessité d’une réparation divine ; où les arts, la philosophie, la civilisation tout entière disparaissaient dans l’ignominie du césarisme romain, quelques nobles esprits, issus de la sagesse hellénique, se tinrent debout au milieu des ruines ; ils donnèrent au monde les suprêmes exemples d’une grandeur morale tirée des seules forces de la volonté et de la raison. Les derniers, ils combattirent pour le règne des lois, ou régnèrent en obéissant à la conscience. Sous la toge républicaine, sous la pourpre impériale et sous le sayon de l’esclave, ils ont fait éclater la plus haute vigueur de caractère qui ait été accordée à l’homme en dehors du christianisme. Ces héros de la volonté dont l’âme resta libre dans un temps où les passions seules ne connaissaient pas de frein ; ils avaient proclamé, à la dérision de leur époque, et presque au mépris de la conscience universelle, cette audacieuse et sublime sentence : « Non, douleur, tu n’es pas un mal ! » Par la vertu de cette noble idée, ces hommes atteignirent une grandeur morale que la sainteté chrétienne pouvait seule dépasser.

Ce rare apanage de quelques âmes héroïques, l’Évangile est venu le mettre à la portée des plus humbles ; il en fait, à l’heure voulue, le don des enfants et des femmes. Pour élever ainsi notre âme au-dessus d’elle-même, par le mépris de la douleur, par cette aspiration vers le beau moral plus forte que toutes les privations et tous les périls, la religion s’est emparée du principe st