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Tu sais tisser la voile et nouer les agrès ;
De l’aimant conducteur tu connais les secrets ;
A des coursiers d’airain donnant leur cœur de flamme,
Tu sembles prendre au ciel le don de faire une âme ;
Tu ne lui prendras pas les clefs du gouffre amer :
Tu tiens la barque, et Dieu tient le vent et la mer.

Le vent, la mer ! tous deux rassemblent leur colère :
L’immensité rugit sous la nef séculaire ;
Le noir bélier d’autan du front vient s’y heurter.
L’abîme aux flancs rétifs est las de nous porter ;
Et, sur nos fronts, le ciel, voûte livide et basse,
Paraît prêt à crouler quand l’éclair le crevasse.
Là bas, à l’horizon, plongeant et surnageant,
La vague, mont noirâtre à la crête d’argent,
Roule vers le navire ainsi qu’un mur immense.
Mais, ô mer, ton courroux n’est pas notre démence !
La nature a toujours sa lente majesté.
Le flot le plus fougueux, en cadence apporté,
Ne se tord qu’en frappant l’obstacle né des hommes.
Le seul désordre est là, sur la nef où nous sommes.
Un craquement affreux au coup du flot répond ;
Les mâts déracinés ont fracassé le pont ;
Le gouvernail, funeste à la main la plus forte,
La renverse en cédant à la mer qui l’emporte.