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N’entama jusqu’ici le vaisseau paternel,
Et, comme il est antique, il semble être éternel.

Donc, sans souci des eaux et des vents qui font trêve,
Chacun poursuit à part son calcul ou son rêve ;
Chacun prend pour seul dieu soi-même et son penchant :
Le matelot s’enivre ou danse ; le marchand
Compte le gain futur ; et là, comme en nos villes,
Grondent, sous les plaisirs, les discordes civiles.
Les chefs, aveuglément sur la pourpre accoudés,
Boivent leur vin dans l’or et font courir les dés ;
Ils n’interrogent plus la marche des étoiles.
Le navire est robuste et vogue à pleines voiles ;
On ne consulte guère un ciel toujours serein :
Ils ont pris leur orgueil pour livre souverain.

De l’infaillible carte, ainsi, germant les pages,
Les plus vains, du timon, éloignent les plus sages.

Or, le seul vrai pilote est assis à l’écart :
La discorde et l’orgie attristaient son regard ;
De son manteau d’azur voilant sa tête blonde,
Il demande au sommeil de lui cacher ce monde ;
Il songe, et, par-delà notre étroit horizon
De son père il revoit la céleste maison.