Page:Laprade - Poèmes évangéliques, Lévy, 1860.djvu/145

Cette page n’a pas encore été corrigée

Nul n’arrive au repos qu’en marchant sur tes voies ;
Par toi seul le désir, conservant tout son feu,
Vole à travers ce monde et va droit jusqu’à Dieu.
Ta main seule du cœur tend la plus noble fibre ;
Qui refuse ton joug ne veut pas être libre,
Et nul n’aime son frère en toute charité
S’il ne te chérit pas, divine pauvreté !

Heureux qui te choisit pour maîtresse et pour guide ;
Tu réserves son cœur au seul trésor solide.
Le riche, en ses ennuis languissamment couché,
N’est qu’un pâle captif à son or attaché.
Mais l’âme de tes fils, plus ardente et plus tendre,
Sur les ailes de tout est prompte à se répandre ;
Elle s’en va flotter sur les soleils levants,
Sous les chênes sacrés fait ses palais vivants,
Et, s’enivrant d’air pur et de fleurs sans culture,
A pour luxe éternel l’amour de la nature.

Dieu te donne aux chanteurs pour ange gardien ;
Tu tailles dans le houx leur rustique soutien ;
Sous ta cape de laine ils vont de ville en ville ;
Par toi leur lyre est d’or si leur coupe est d’argile.
Bienheureux entre tous ces aveugles divins
Qui mangent ton pain noir sur le bord des ravins !