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En son aveuglement, Satan s’est écrié :
« S’il était plus qu’un homme, il n’aurait pas prié ! »
Et préparant son dard, l’infernale couleuvre,
Dont le venin, jadis, du Maître a souillé l’œuvre,
Voyant ce corps maigri par le jeûne et défait,
Des besoins de la chair tenta d’abord l’effet.
Car le premier conseil du prince de l’abîme
Prend avec art la voix d’un désir légitime.

« Es-tu le fils de Dieu, commande, et dans tes mains
Ces pierres, lui dit-il, vont devenir des pains. »

Et Jésus répliqua : « L’homme, a dit le saint livre,
Ne vit pas seulement de pain, mais il doit vivre
De tout verbe qui sort de la bouche de Dieu. »

Alors Satan le prend et le porte au milieu
De la sainte cité, sur le faîte du Temple ;
Et, citant l’Écriture à son tour en exemple :
« Es-tu le fils de Dieu, ce Christ que l’on attend,
Tu peux nous le prouver en te précipitant ;
Car il est dit que Dieu, qui d’en haut te regarde,
Aux anges a prescrit de t’avoir sous leur garde,
Et qu’ils empêcheront, te portant dans leurs mains,
Que ton pied ne se heurte aux pierres des chemins. »