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Il force à nous tenter même les fleurs des champs,
La colombe, le lis, créatures fidèles,
Et dont rien n’a terni le calice et les ailes.
Mais le cœur est son lieu, c’est là qu’il vit toujours ;
Vaincu même, il s’y cache en de secrets détours.
Il sait le faible endroit de l’âme la plus forte :
Dans toute région l’homme avec soi l’emporte.
Dans la nature même, elle que Dieu conduit,
Le noir esprit du mal sur nos pas s’introduit.
Il suit la liberté si loin qu’elle pénètre ;
Avec elle il sortit des mystères de l’être :
Il est né de ce jour où, créant le désir,
Dieu fit don à l’esprit du pouvoir de choisir.

Or le rusé démon, dans ses métamorphoses,
Dispose en souverain de la forme des choses.
Contre l’être inconnu qui met le doute en lui,
D’horreur ou de beauté s’arme-t-il aujourd’hui ?
Quel sphinx ou quel serpent, quel ange au front mystique
Cache à l’Adam nouveau le séducteur antique ?
Et qui le peindra tel qu’aidé de tout son art,
Il osa de Jésus affronter le regard ?
Il vient par le désert qu’il a rendu complice ;
Il roule sur le roc, ou sur les fleurs il glisse ;
Il s’allonge et grandit comme un nuage errant,