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croyants comme aux poëtes, de n’user qu’avec la plus grande réserve du surnaturel et des terribles mystères de la foi chrétienne.

Est-ce donc la condamnation de ce livre que nous portons ainsi contre nous-même ? Par le simple exposé du plan de ces poëmes, nous allons nous mettre à l’abri des objections que soulèverait l’idée d’une épopée tirée de la vie du Rédempteur. Nous n’eûmes jamais si haute ambition. Des tableaux de piété empruntés à la vie de Jésus-Christ et tels qu’on les a permis de tout temps aux peintres- et aux sculpteurs ; des méditations, des larmes, des prières comme l’Évangile en inspire à la plus austère prose des moralistes chrétiens, voilà notre livre. Quoi qu’on puisse dire, ou par un rigorisme excessif, ou par dédain de l’inspiration chrétienne, une œuvre pareille est du ressort de la poésie. Y réussir est difficile, même aux plus fermes talents. Qu’on excuse notre insuffisance par la droiture et l’ardeur de nos convictions religieuses, par les nobles émotions que le poëte a voulu faire partager à ses lecteurs.

Devant une scène de l’Évangile naïvement peinte, racontée avec un scrupuleux respect de l’expression littérale, avec une recherche attentive du sens orthodoxe, l’artiste s’agenouille et prie dans l’humble sanctuaire qu’il vient d’édifier de ses mains. Il a parfois esquissé un paysage dans le fond du tableau comme pour convier la nature à prendre aussi sa part de la bonne nouvelle. Souvent, par un pieux anachronisme imité des vieux peintres, il a groupé près du cadre, dans l’attitude de l’adoration, quelques personnages modernes et lui-même au milieu d’eux. Il contemple énergiquement le fait