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Et parfois, du ciel même envahissant le seuil,
Creuse entre l’âme et Dieu l’abîme de l’orgueil.


V

Qui n’entrevit Satan ? mais qui peut le décrire ?
Quel homme, ayant vécu, n’entendit pas son rire,
Ce rire de l’abîme à l’heure où nous tombons ?
Nous l’avons connu tous, hélas ! même les bons.
Pourtant, lorsqu’il médite une attaque nouvelle,
Nul ne devine plus en lui l’Ange rebelle,
Tant il sait sous le fard, sous l’éclat déployé,
Effacer les sillons de son front foudroyé ;
Tant son or emprunté luit sur ses ailes sombres,
Tant il s’orne à propos de lumières ou d’ombres.
A voir ses yeux d’azur, ses cheveux blonds et fins,
Qui ne l’a pris souvent pour un des Séraphins ?
Dans les lieux les plus purs il nous cache ses piéges,
Ses feux infects couvés sous les plus blanches neiges.
Nul ne peut dénombrer les formes qu’il revêt.
L’innocence, en dormant, l’entend sur son chevet.
Il surgit de la lampe et des piliers du temple,
De l’austère cellule où le sage contemple.
Il se sert contre nous de nos meilleurs penchants ;