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De leur plus frais carmin les rosiers voulaient luire.
Les lis s’étaient parés afin de le séduire
Et d’avoir pour eux seuls les regards de ses yeux
Distraits des fleurs de l’âme et détournés des cieux.
Ainsi, pour l’arracher à sa vision pure
Et pour ôter son cœur aux hommes, la nature,
Les arbres, les fruits d’or, les brises qui chantaient,
Les sources, les oiseaux et les fleurs le tentaient.

Ailleurs, n’espérant plus le vaincre par ses charmes,
Contre lui la nature essayait d’autres armes ;
Aux yeux du solitaire active à s’entourer
Des sauvages grandeurs qui la font adorer,
Et tiennent sous son joug, enchaînés par la crainte,
Ceux dont l’âme secoue une plus molle étreinte.
Les cratères éteints se rouvraient tout à coup ;
Des reptiles fangeux sifflaient, dressant le cou ;
De livides éclairs et des oiseaux funèbres
Sur le front de Jésus glissaient dans les ténèbres.
Furieux de subir un étrange ascendant,
Les tigres contre lui s’élançaient cependant.
Les rochers, les débris des cèdres centenaires
Croulaient sur son chemin lancés par les tonnerres ;
L’orage, enfin, tâchait, en ébranlant son corps,
D’occuper sa grande âme aux choses du dehors.