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IV

Il atteignait déjà cette âpre solitude
Que l’âme des plus forts trouve souvent trop rude ;
Ce royaume du vide où l’air même tarit ;
Où l’homme ne vit pas si Dieu ne l’y nourrit.
Il s’offrait aux périls de ces luttes secrètes
Que cachent le désert et les longues retraites.
Seul avec l’Esprit-Saint, il vécut dans ces lieux
Pleins d’étranges terreurs, d’ennemis merveilleux,
Dont la nature aux yeux de l’homme qu’elle entraîne,
S’entoure pour le vaincre et rester souveraine.

Durant quarante jours, sur les sommets ardus
Qu’interdit le vertige aux voyants éperdus,
Il habita, jeûnant de toute nourriture
Par l’homme préparée ou prise à la nature ;
Sevrant surtout son âme, attentif à bannir
Tout terrestre aliment et jusqu’au souvenir ;
Faisant place au Seigneur, rendant son cœur semblable
A la virginité de la neige et du sable ;
Et, pour garder au Verbe un vase sans levain,
N’admettant rien en soi si ce n’est le divin.