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Aiguisé dans son cœur. Un seul mot lancerait
Le glaive et des licteurs la hache toujours prête
A saluer le prince en tranchant une tête.
Il n’ose encor frapper ; il sait qu’avec honneur
Le peuple accueillit Jean comme élu du Seigneur ;
Qu’il est dans les tribus des hommes forts, sans nombre,
Nourris de ses leçons et se comptant dans l’ombre ;
Il craint d’obscurs vengeurs par sa mort engendrés ;
Et croit voir, du palais franchissant les degrés,
Au lieu des vains remords qu’une autre orgie emporte,
La révolte aux cent bras déracinant sa porte.
S’armant d’une fierté que sa pâleur dément,
Il parle avec orgueil, mais veut être clément :

« Suis-je roi ? d’un esclave ai-je enduré l’audace ?
La poudre de mes pieds me juge et me menace !
Toi qui prétends parler au nom de Dieu, sais-tu
Que de sa majesté mon front est revêtu ?
Ce qu’est Dieu dans le ciel-, le roi l’est sur la terre ;
Tu dois devant son ombre adorer et te taire.
Va, prophète menteur, souffler aux révoltés
Le vent tumultueux des folles nouveautés !
Ton sang vil des festins ne doit troubler la joie,
Le bouc est au lion une trop lâche proie.