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Conduit jusqu’à son antre et perd les chevaliers ;
Et, s’armant des trésors de ses sœurs étouffées,
Règne seule et survit entre toutes les fées.
Combien de ces vaillants, tous jeunes et joyeux,
Tous remplis, comme toi, d’espoirs ambitieux,
J’ai vu, s’étant juré l’impossible conquête,
Entrer dans la forêt comme pour une fête !…
J’aurais bientôt compté ceux qui sont revenus,
Tous vieux, hagards, souillés, sans armes, les pieds nus,
L’un pétri d’ironie et l’autre de blasphème,
Aussi tristes que moi, flétris, n’osant plus même
Nommer la blanche Tour objet de leur ardeur,
Et niant le soleil, l’amour et la pudeur.
Et moi je dis : Si bons que soient l’homme et le glaive,
Du trésor tant cherché la conquête est un rêve,
Un prétexte aux chansons de Geste, aux doux romans,
Un piège des démons et des vils nécromants.
Insensé qui s’y prend et court cette aventure !