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s blanches des Alpes, soulevées comme des vagues et enflammées par le soleil des ardents reflets d’un incendie. A mesure que l’œil s’élève et que l’on franchit les divers degrés de ce temple en rêvant d’atteindre le faîte, il semble que sur chaque échelon l’âme se dépouille dans l’air, de plus en plus vif et léger, d’une partie du poids qui l’oppresse. Sur chaque degré, on laisse une sombre et amère pensée, on voit disparaître quelqu’une des souillures de la mémoire. L’imagination rejette à chaque pas un de ses vêtements ternis. On s’est élevé au-dessus des premières vallées et des forêts de chênes ; on a traversé la zone des hêtres, celle des sapins, celle des mélèzes, celle des rhododendrons aux fleurs rouges ; on a respiré des senteurs vivifiantes, un fluide sain et vigoureux. Le froid des neiges immaculées a mis dans l’air, autour de vous, comme des aiguillons ; vous sentez vos forces décuplées, vous êtes porté par une force invisible. Voici, enfin, que vous touchez l’étroit sommet d’où votre vue s’étendra dans l’immensité. Le soleil vous inonde, les glaciers vous entourent, vous baignez à la fois dans la lumière et dans une salutaire fraîcheur. Vous ne sentez pas la fatigue du corps, et dans votre âme tous les importuns souvenirs, toutes les mauvaises pensées ont disparu. A la conscience de l’apaisement est venu se joindre en vous celle de la force et de la pureté. Vous êtes préparé à recevoir avec l’impression du merveilleux spectacle qui vous environne, avec les mystérieuses influences qui vous pressent, le sentiment sublime, l’ivresse, l’extase de l’infini. Il se produit en vous comme une immense effusion de prière et d’amour ; votre cœur s’élance à la fois vers Dieu, vers la nature et vers les hommes ; vous voudriez tout embrasser dans la même étreinte. En même temps que cet appel enthousiaste à tout ce qui est bon et beau, vous lancez d’héroïques défis au mal ; vous invoquez les luttes,