Les loups ont commencé leur horrible curée.
Les pieds des noirs oiseaux qui se croisent dans l’air
En font pleuvoir du fiel et des lambeaux de chair.
Mais, l’âme de Konrad, libre dans la torture,
Domine la souffrance et dompte la nature,
Et sa fière agonie, à la face du ciel,
Atteste encor le droit vaincu, mais éternel ;
Sa lèvre, où vibre encore un nom, un cri suprême,
N’a pas avec son sang laissé fuir un blasphème ;
Humble et simple croyant, mais soldat indompté,
Il meurt, sans avoir craint et sans avoir douté,
Ferme en sa juste cause et s’offrant pour victime.
Il garde, il garde aussi la vision intime ;
L’amour lui parle encor plus haut que ses douleurs,
Et ses yeux vaguement cherchent des yeux en pleurs.
Or, le don de souffrir avec le sang s’épuise,
Dans ce corps déchiré que la vertu maîtrise ;
De l’esprit survivant à ce dernier effort
Une clarté sereine approche avec la mort,
Et du monde invisible illumine l’entrée ;
Cette âme, enfin, des sens à demi délivrée,
Voit commencer pour elle, aux portes du tombeau,
La seconde naissance et le monde nouveau.
Konrad, autour de lui, sent frémir dans l’espace,
Comme un grand chœur d’oiseaux qui passe et qui repasse ;
A tous les horizons il entend à la fois
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