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droit sans doute qu’à un rang secondaire dans la peinture ; mais qui songerait à lui contester sa raison d’être et sa place légitime ? Le type de ce genre, sa plus noble variété est, sans doute, le paysage historique, celui qui sert de théâtre et en quelque sorte de commentaire visible à un fait, à un drame humain. Mais la représentation du site le plus dépourvu de tout vestige de l’homme peut renfermer aussi sa pensée, son harmonie profonde avec une situation du cœur humain ; cette dernière forme du paysage appartient donc aussi à l’art spiritualiste.

Ainsi pour la musique : elle a son type, sa forme la plus pure dans la mélodie chantée et dans la voix humaine ; l’antiquité ne connut pas cet art séparé de la poésie, et l’usage des instruments -fut longtemps subordonné au rôle de la voix. Ce n’est qu’à une époque très-moderne et par une révolution analogue à celle qui donnait au paysage une existence indépendante à côté de la grande peinture, que la musique instrumentale a prévalu à mesure que s’étendait la science de l’harmonie. Cette révolution semble éloigner de plus en plus la peinture de ses conditions essentielles ; elle est au contraire un progrès pour sa musique ; elle l’a conduite à la plus haute perfection. La symphonie de Beethoven nous paraît la forme suprême de l’art musical, et la première moitié de notre siècle l’heure de son apogée. Beethoven est l’artiste moderne par excellence ; l’art où il est souverain a commencé en réalité avec les temps modernes, à cette date orageuse du XVIe siècle qui trouva son auréole poétique dans une autre forme de l’art essentiellement nouvelle aussi, et touchant par d’intimes analogies à l’art du grand symphoniste, dans le drame de Shakespeare.

La musique, nous le disions en commençant, fait sentir aujourd’hui sa prééminence à tous les autres arts, non pas tant parce qu’elle est le plus généralement cultivée de