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plus ferme et plus hautement proclamé, à cette invasion des choses étrangères à l’homme, à ce débordement de la description et des images qui fait prévaloir le costume de la pensée sur la pensée elle-même, et transforme l’art en une stérile reproduction des objets matériels ou des fantaisies de la sensibilité. La poésie peut s’affermir, ainsi, dans son véritable domaine, le monde moral, sans abandonner une seule des conquêtes faites par l’école moderne dans la sphère de l’imagination et de la nature.

Ayez de la nature le sentiment le plus énergique et le plus profond, si ce sentiment a conscience de lui-même, s’il se définit dans un esprit ferme et lucide, il n’amoindrit en rien le rôle de l’idée morale, et ne fait courir aucun péril au vrai spiritualisme. Le danger n’est pas dans l’usage fréquent et la franche profession du sentiment de la nature, il est dans la confusion des divers éléments de l’art ; il est dans les prétentions de quelques fantaisies ambitieuses à faire jaillir une philosophie du choc des métaphores ; il est enfin dans ce réalisme grossier qui érige en système l’absence de tout idéal et de toute philosophie. Mais un sentiment vrai des harmonies de la nature avec le monde moral, des analogies de tout ce qui se voit avec tout ce qui se pense, mais l’intelligence de la signification spirituelle qu’il est possible de découvrir dans les objets physiques ou de leur imposer par la poésie, cette faculté de comprendre l’univers visible comme un langage que l’homme peut parler à son tour par les arts et la poésie, en un mot, le sentiment de la nature, c’est là une part normale, une indispensable faculté du génie de l’artiste et du poëte.

L’artiste peu tirer de la nature des expressions tout à fait humaines, un sens tout à fait idéal, même en aimant la nature pour la beauté qui lui est propre et sans admettre dans son tableau la figure de l’homme. Le paysage n’a