Page:Laprade - Les Symphonies - Idylles héroïques, Lévy, 1862.djvu/186

Cette page n’a pas encore été corrigée

Je marche au plus touffu des arbustes meurtris,
Et disperse à grands pas leurs feuilles en débris.
Alors jaillit, alors le vent à longs flots roule
Un doux torrent d’odeurs des plantes que je foule ;
Et plus mon pied rapide, au penchant du coteau,
A coups précipités frappe comme un fléau,
Plus j’écrase, à pas lourds, feuilles, rameaux et tige,
Plus l’essaim des parfums rapidement voltige,
Et plus épais, dans l’air que j’entraîne en courant,
S’amasse et monte au loin un nuage odorant.

Vous, mon Dieu ! parmi nous, quand nos âmes sont mûres,
Vous cheminez ainsi, malgré nos vains murmures,
Faisant votre moisson ; et, lorsque vous voulez
Respirer les parfums dans nos cœurs recelés,
La douleur vous précède ; elle vient, sans colère,
Ainsi que le coursier foulant le blé sur l’aire,
Et brise sous ses pieds, comme moi ces rameaux,
Nos fleurs et nos fruits mûrs, et nos espoirs nouveaux.
Vous dirigez, Seigneur, tous les coups qu’elle porte ;
Les plus durs sont toujours pour l’âme la plus forte.
C’est vous, dans la douleur, qui nous êtes présent ;
Vous ne nous visitez, mon Dieu, qu’en nous brisant.

Mais c’est alors aussi qu’à travers ses blessures,
La fleur exhale au loin ses senteurs les plus pures ;
Alors, mon Dieu, le cœur brisé par le chagrin
Vous livre ses vertus comme l’épi son grain,