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de la musique, il est évident que, dès aujourd’hui, cet art n’est plus en progrès, et qu’il subit la même évolution que tous les autres. Les moyens d’exécution se sont accrus démesurément ; qu’est-ce que la harpe de David et les trompettes des lévites auprès des innombrables et formidables instruments de nos orchestres ? C’est bien moins encore que ne serait la palette de Polygnotte [sic] et d’Apelles à côté de celle que la droguerie moderne peut fournir à M. Courbet. Sans oser dire, quoique nous en soyons très convaincu, que la musique succombera sous l’instrumentation, nous devons constater qu’en ce moment, avec tous les autres arts, elle se matérialise, elle s’abaisse, elle se corrompt, à mesure qu’elle se fait plus populaire. Quoique venue la dernière, elle est entrée déjà dans la phase où se trouvent aujourd’hui la peinture, la statuaire, l’architecture. Elle est aussi avancée, en donnant à ce mot sa double acception.

Il faut conclure de tout ceci que l’idée du progrès illimité et indéfini, quand elle serait juste pour les autres branches de l’œuvre humaine, est absolument inapplicable aux arts. L’art est destiné à parcourir un certain nombre de saisons, au delà desquelles il est impossible de concevoir pour lui un nouveau développement. Les incontestables et vraiment merveilleux progrès accomplis depuis un siècle par la science et l’industrie n’ont fourni aux arts que des moyens d’exécution plus faciles, des procédés adroits pour produire plus vite et plus abondamment,