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ont la prétention de l’être. Ayant fait son œuvre, ayant exprimé, inspiré tous les sentiments chers à l’humanité durant ses premiers âges et les diverses formes de l’idéal qu’elle avait adoré jusqu’à nous, parvenu à son apogée, l’art a cédé la place et la primauté à un autre ordre d’inspirations, au culte d’un autre idéal servi par la science et par l’industrie. Dans l’ensemble de la destinée de l’homme et de sa carrière sur ce globe, est-ce là un progrès ? Heureux ceux qui osent l’affirmer !

Pour notre compte, nous ne saurions admettre qu’aucun des merveilleux accroissements de la science et de l’industire contemporaines ait eu pour corrélatif un progrès dans l’art. La peinture, la statuaire, l’architecture de notre temps restent évidemment inférieures à celles des grandes époques, malgré le perfectionnement des moyens d’exécution que leur a procurés la science moderne ; l’amélioration, la vulgarisation des procédés techniques aboutissent tout simplement à faire de l’art une industrie et non point à enrichir, à élever, à féconder l’art lui-même. L’art puise sa vie à des sources toutes différentes ; la science et l’industrie ne sont et ne peuvent être, vis à vis de lui, que de très humbles servantes. Aujourd’hui que ces servantes sont devenues maîtresses, l’art n’a fait que subir une déchéance, au lieu d’accomplir un progrès.

L’art ne reconnaît au-dessus de lui que deux choses : la religion et la philosophie ; c’est d’elles seules qu’il reçoit l’inspiration créatrice, c’est dans