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des chefs-d’œuvre, c’est un perfectionnement de la science, de l’industrie, un accroissement de la richesse, un bénéfice de la démocratie ; mais c’est un progrès absolument étranger à l’art lui-même, un fait dont les Muses n’ont pas le mérite et ne recueillent pas les fruits. Je comprends que notre siècle soit fier à juste titre de tout ce qu’il a produit en ce genre, qu’il y voie un témoignage considérable de la puissance de l’homme, qu’on en tire un argument en faveur de la perfectibilité humaine en général ; mais tout cela n’ajoute rien à la perfection propre de chacun des arts ; ce n’est pas même une phase particulière de l’histoire de l’art comme l’a été, au seizième siècle, l’avènement de la musique ; c’est l’avènement, c’est la domination des sciences et des procédés industriels.

On a pu vanter la musique comme le plus parfait de tous les arts ; se féliciter de sa prépondérance ; ce n’est pas notre opinion ; mais nous ne discutons pas ici de la beauté relative de chaque Muse. Que les amoureux de la musique la tiennent pour la plus pure et la plus charmante, et, comme elle a grandi la dernière, qu’ils affirment que l’art a suivi jusqu’à elle une marche progressive et qu’elle est le couronnement de ce merveilleux édifice, nous n’y faisons pas obstacle. La question est de savoir si, dans la perfection de la musique, l’art n’a pas atteint son suprême et dernier développement, s’il est par lui-même indéfiniment progressif, comme la science, comme la richesse, comme la sociabilité