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Muses, et en obtiennent de somptueux ornements. Les cafés deviennent des expositions de peinture, de musique et bientôt de littérature. Entre deux pipes et deux chopes de bière, un maçon peut comparer Beethoven à Mozart, Ingres à Delacroix, Thérésa à Racine et à Corneille ; le Parthénon et les chambres du Vatican ont prêté, peut-être, à ce sanctuaire, quelques figures correctement reproduites. Phidias et Raphaël ne sauraient être absents d’une aussi belle fête. Parmi ces flots d’admirateurs, ils ont peut-être un grand nombre de futurs émules. Sans aller encore jusqu’à la théorie du phalanstère qui nous promettait, par chaque groupe de dix-huit cents personnes, un Homère, un Shakespeare, un Michel-Ange, un Newton, et ainsi de suite dans tout l’ordre intellectuel, n’est-il pas certain qu’une foule de vocations restent étouffées, qu’une foule de génies meurent en germe, et que la vulgarisation indéfinie des objets d’art doit susciter une foule de talents originaux ? La facilité de reproduire exactement et de multiplier en exemplaires innombrables les chefs-d’œuvre de l’art, n’est-ce pas là un incontestable progrès et un accroissement de l’art lui-même ?

Telle est, sans exagération aucune, mais dans toute sa nudité, l’idée que se font des arts les positivistes, les savants matérialistes, la plupart des démocrates, tous ceux, en un mot, qui prétendent représenter le progrès. Or, cette vulgarisation de l’art, cette facilité de multiplier les reproductions