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artistes anonymes, voilà tout ce qui nous reste des anciens. Quel est l’homme illustre de nos jours, je n’en excepte aucun, qui peut se vanter de dessiner une figure avec plus de justesse, d’heureuses proportions et d’élégance, que ces peintre en bâtiment de la Grêce et de l’Italie, à une époque où tout déclinait déjà dans la civilisation antique ?

Un seul des arts, celui qui fut le plus longtemps stationnaire, a fait d’évidents progrès dans l’ère moderne ; il atteint de nos jours une perfection inconnue et à peine soupçonnée dans le monde ancien ; la musique, étroitement soumise à la poésie et confondue avec elle dans leur commun berceau, a conquis chez nous depuis trois siècles sa pleine indépendance ; elle exerce aujourd’hui sur les autres arts une véritable suprématie ; dans l’histoire de cet art, le progrès est éclatant ; il a été tardif ; ce n’est qu’au moyen âge que la musique sort pour ainsi dire de l’enfance par l’invention successive de l’orgue et d’une foule d’instruments plus parfaits que ceux des anciens.

Ce perfectionnement des moyens d’exécution et de l’œuvre musicale en elle-même n’a rien ajouté à la puissance de la musique sur l’organisme de l’homme et sur son âme. Les effets miraculeux que produisant la musique sur les peuples primitifs, et jusque dans l’antiquité grecque avec les instruments les plus imparfaits, les plus barbares, mais en s’associant à la poésie comme une fidèle servante, dépassent, de tout un monde, l’action qu’exercent aujourd’hui les plus admirables orchestres, les plus puissances compositeurs