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dans quelle mesure il est possible de concilier les faits connus et tout le passé de l’art, avec ce système d’un perfectionnement nécessaire, infaillible et illimité, des sociétés humaines.

Continuons à extraire de l’idée de la perfectibilité indéfinie de l’homme sur la terre, toutes les conséquences qu’elle renferme. Elle implique une morale, une politique, une métaphysique, une cosmogonie particulières. Elle favorise singulièrement, si elle ne l’a pas créée, cette histoire naturelle, toute récente, qui admet la transformation des espèces de l’une en l’autre et qui donne pour ancêtre à l’homme un singe perfectible. Elle enseigne en compensation à l’humanité qu’il n’existe pas d’être divin au-dessus d’elle ; la Divinité réside uniquement dans l’idée que notre esprit se forme de son existence ; nos progrès sont le progrès même de ce Dieu, qui n’est pas mais qui devient. L’homme et le monde, tous deux fatalement progressifs, c’est là le Dieu qui se construit tous les jours, le Dieu en perpétuelle voie de devenir.

Hâtons-nous de reconnaître que la doctrine de la perfectibilité des choses humaines n’engendre pas nécessairement cette étrange théologie, et que, renfermée dans certaines limites, elle peut s’allier avec le spiritualisme le plus pur. Nous l’avons présentée d’abord dans ses thèses les plus extrêmes pour prémunir les intelligences contre la séduction qui entoure ce mot de progrès. Prise dans un sens absolu et comme une loi irréfragable de l’humanité, l’idée