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l’univers que nous autres chrétiens n’attribuons qu’à Dieu, et, dans une certaine mesure, aux âmes bienheureuses[ »]. Dans ses Dialogues philosophiques, le même penseur, plus audacieux que tous les poètes, nous promet un avenir ou [sic] les savants règneront sur l’humanité d’une façon si absolue, que leur volonté, et je ne sans quel fluide qui jaillira de leurs mânes suffiront à foudroyer les récalcitrants. Il est vrai que notre cher confrère, M. Renan, donne à cette partie de son livre le titre de Rêves. Quand on nous parle de la perfectibilité indéfinie de l’espèce humaine, on prend donc ce mot à la lettre et dans son sens le plus absolu ; l’homme sans sortir de la terre, est en train d’y devenir Dieu. Voilà une des formules qu’on pourrait donner de la loi du progrès sans faire violence aux thèses qui commentent cette loi.

On s’explique du reste cette portée miraculeuse donnée à l’idée de progrès par certains adeptes, lorsque, du milieu de toutes les grandeurs de notre civilisation chrétienne, on se replace par la pensée à l’origine que ces philosophes attribuent à l’espèce humaine. Tous n’admettent pas, il est vrai, que l’homme ne soit autre chose qu’un singe perfectionné ; mais tous, en niant la révélation édénique aussi bien que les révélations suivantes, font des premiers humains des sauvages aussi grossiers, aussi ignorants que ces malheureuses peuplades de la Polynésie, qui en sont encore, après des milliers d’années, à l’âge de pierre, à la langue monosyllabique et à l’anthropophagie. Il est certain que si