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Ils accourent de loin sous mon sceptre propice.
Je reçois comme un dieu l’encens du sacrifice.
La mer avec respect berce mes pavillons
Et le désert vaincu conserve mes sillons.
Quand je veux parcourir mon empire sans bornes,
Les grands chevaux marins, les tritons, les licornes,
Les monstres écailleux, hôtes des grandes eaux,
Vites comme un regard entraînent mes vaisseaux.
Les aigles, les griffons me portent dans les nues,
Cueillir les rares fleurs des cimes inconnues ;
Et l’épaisseur des bois s’ouvre devant mes chars
Traînés par des lions et par des léopards.
Ma sagesse a conquis la royauté des êtres,
Et mes désirs partout se promènent en maîtres.
Tout objet qu’ici-bas ont aperçu mes yeux
Vient s’offrir à mes mains, quand j’ai dit : Je le veux.

« Reine du monde, hélas ! d’esclaves entourée.
Je porte avec douleur ma pauvreté dorée.
Dans la satiété tous mes désirs sont morts ;
Une autre faim me ronge au sein de mes trésors…
Le vide est dans mon âme… à la place où l’on aime ;
Et je sens qu’il me manque une part de moi-même.
C’est l’invisible époux, c’est le jardin natal,
Les intimes douceurs du baiser nuptial,
Avec dieu de ma flamme un rayonnant échange,
De nos amours sans fin l’extatique mélange !
Oh ! viens, époux sacré, dieu recelé partout,
Dieu qui reste à trouver après que l’on a tout !
Oh ! viens me délivrer d’un bonheur qui me pèse ;
Viens assouvir d’amour mon cœur que rien n’apaise !
Viens ! toute soif humaine est un pâle désir
Près des tourments du cœur qui cherche à te saisir. »