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Pandore a retenu dans le vase fatal
L’espérance, compagne et remède du mal ;
Elle est là pour panser la morsure éternelle ;
L’oiseau rongeur sera plus vite lassé qu’elle !
Ainsi d’un bien perdu, d’un retour annoncé,
Le tableau dans son hymne est souvent retracé.
Elle aime à célébrer les regrets et l’attente,
Au milieu des douleurs la tendresse constante,
Et le cœur s’élançant vers un être perdu,
Et d’un trésor cherché le désir assidu ;
Les courses de Cérès, Proserpine enlevée,
Les pommes d’or, Colchos, Ithaque retrouvée,
Ariadne, Adonis, et les enfers jaloux,
Eurydice deux fois ravie à son époux,
Et la mort éprouvant les amoureuses flammes,
Et l’Elysée heureux, ce rendez-vous des âmes.

D’un cri si triomphal, après qu’elle eut chanté,
La foule salua sa voix et sa beauté,
Qu’on eût dit les clameurs des forêts et de l’onde,
Le bruit des pins penchés sur un gouffre qui gronde,
Se heurtant par le faîte, et brisant leurs rameaux,
Et répondant la nuit au bruit des grandes eaux,
Quand Borée ou Notus, de leurs fortes poitrines,
Ont soufflé sur les bois et les plaines marines.
Et le peuple unanime a proclamé son nom
Pour le prix des chanteurs que décerne Apollon.

La couronne à l’autel attendait la victoire.
Le roi des jeux sacrés, de son siège d’ivoire
Se levant, la saisit, et debout vers Psyché,
Du rameau verdoyant ceignit son front penché.