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Et le temple jaloux lui fermant l’horizon,
L’asile nourricier devient une prison.
Car, le prêtre l’a dit, jamais un dieu ne cède
Et ne livre l’autel au dieu qui lui succède,
Il veut, pour prix des biens qu’il apporte en naissant,
Garder jusqu’à la mort le monde obéissant.


PSYCHÉ

« D’un miel doux et fécond ces prêtres m’ont nourrie.
Si je n’entrevoyais ton image chérie,
Ô mon époux, ce front paisible et résigné
Resterait sous leur joug aujourd’hui dédaigné !
Mais j’entendis ta voix, et bravant les épreuves,
Par les monts et les mers, les forêts et les fleuves,
Je pars, je vais à toi. S’il le faut, je saurai,
Lentement, chaque nuit, creuser le mur sacré ;
Ou de ma faible main que l’amour rend hardie,
Du temple pour ma fuite allumer l’incendie.
Mais, toi, dieu que j’invoque, oh ! révèle-toi mieux,
Et qu’un signe certain me guide vers les lieux
Où tu m’attends sans doute, où je te vois en songe,
O roi de l’avenir, où déjà mon cœur plonge ! »

Le prêtre vigilant par la ruse trompé,
Cherche en vain à l’autel son esclave échappé.
La jeune âme fuyait, et les brises divines
Faisaient battre son aile au loin sur les collines.
Nul des vases sacrés au temple ne manquait,
Ni les coupes d’onyx de l’austère banquet,
Ni l’argent ciselé, le bronze où l’encens fume,
Les cratères d’airain où le charbon s’allume,