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Mais je l’aime, et, souvent, un songe à mon côté
Me le montre ; il est dieu, j’en crois à sa beauté ! »


LE PRÊTRE.

« Non, tu nous resteras ! L’autel garde sa proie ;
Ceux qui veulent nous fuir, notre dieu les foudroie.
Que cet époux, ton dieu, si c’est un immortel,
Ose ici t’arracher, esclave, à notre autel.
Tout homme ayant franchi le seuil des sanctuaires
Et vu, même de loin, s’accomplir nos mystères,
Dont la lèvre a trempé dans un vase divin,
De nos libations bu le miel et le vin,
Et goûté, parmi nous, la chair de l’hécatombe,
N’est libre de l’autel qu’en passant par la tombe.
Le sceau de la déesse à ton front est gravé,
Comme au taureau sans tache au temple réservé ;
Dévouée à jamais, par amour ou par crainte,
Tu ne franchiras pas notre inflexible enceinte,
Dût le couteau sacré s’enfoncer dans tes flancs,
Et tes os se briser sur nos marbres sanglants. »

Troublant du dieu nouveau l’image pressentie,
Le prêtre, ainsi, du temple entrave la sortie
Et, sombre gardien, par la force et la peur
Conserve aux vieux autels un jeune serviteur.
Mais quel bras enchaînant la lumière et la flamme
Au veuvage éternel peut emprisonner l’âme ?
De la fuite Psyché méditant l’heureux jour
Vers l’époux entrevu s’élance avec amour.
Son esprit vole errant vers les choses lointaines ;
Mais le dieu qu’elle fuit appesantit ses chaînes,