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La nature gardait le silence comme eux,
Et posait sur sa bouche un doigt mystérieux.

« Nous avions dépassé Memphis, les Pyramides ;
Le navire aborda, sur des plages arides,
Près du grand labyrinthe, où les dieux desséchés
Sont auprès des rois morts dans les ombres couchés.
Les signes que les dieux veulent sur leurs esclaves
Furent trouvés en moi. Des prêtres aux fronts graves,
Revêtirent Psyché des mystiques habits.
Dans leur temple, c’est moi qui nourris les ibis ;
Les animaux sacrés mangent dans mes corbeilles ;
Par moi les anneaux d’or pendent à leurs oreilles.
Apis a de mes mains reçu le pur froment.
Je verse les parfums dans le brasier fumant.
Sur les métiers sacrés tissant de blanches toiles,
À la profonde Isis j’ai préparé des voiles.
D’encens et de natrum remplissant les dieux morts,
De bandeaux embaumés j’enveloppe leurs corps ;
Et, près de leurs cercueils, le long des noirs dédales,
C’est moi qui verse l’huile aux lampes sépulcrales.

« Ces travaux achevés, je puis m’asseoir souvent,
Et regarder en moi, soupirant et rêvant.
Pour la première fois dans l’Egypte divine,
J’ai connu le repos sans l’horrible famine.
L’abondance et le calme, et des maîtres moins durs,
Ont endormi longtemps mon âme dans ces murs.
Mais au pied des autels, quoique ma faim s’apaise,
J’y suis esclave encore, et la prison me pèse ;
Et je crois sur mon front y sentir par moment
Les plafonds de granit descendre lentement.