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Les guerriers en silence entourent le devin :
Lui, cherchant dans le ciel quelque signe divin,
Interroge le vent, voit comment l’aigle vole ;
Des charmes sur l’autel fait couler la parole ;
Les rites sont réglés par son geste et sa voix,
Et le chant des guerriers résonne au fond des bois :

« Le dieu dans les forêts que notre peuple habite,
Domine par son arc sur tout ce qui palpite ;
Les grands cerfs et les daims s’engraissent là pour nous,
Fils du dieu qui courbons devant lui les genoux.
L’heureux chasseur au dieu fait une belle offrande
Et remplit jusqu’au bord la coupe la plus grande.
Le dieu reçoit sa part des brebis et des bœufs,
Pour que ses traits mortels ne pleuvent pas sur eux.
Il donna cette terre à notre race élue ;
Par ses puissantes mains toute autre en est exclue.
Par lui nos javelots percent les daims légers,
Et s’abreuvent au cœur des hommes étrangers,
De ceux qui n’ont chez nous des dieux, ni des ancêtres.
Il est de noirs esprits régnant sur tous les êtres ;
Pour sauver de leur faim nos fils adolescents,
La hache doit frapper les captifs gémissants ;
Les dieux partageront leur chair expiatoire :
Le sang paie à l’autel le prix de la victoire. »


LE PRÊTRE.

« Quand le sang a coulé sur l’image du dieu ;
Quand les corps palpitants se tordent dans le feu ;
Quand on frotte de chair l’idole sur la bouche,
Les dieux sentent au cœur une ivresse farouche.