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Et tu perds mes baisers, mes caresses, ma voix.
Je ne descendrai plus dans ta nuit solitaire ;
Tu n’auras plus l’amour, mais toujours le mystère.
Le secret de mon nom, dans mon sommeil surpris,
Du divin idéal ne t’aura rien appris.
Ce vallon, ce palais d’où t’exile ta faute,
Avec toi, condamnés, n’ont plus un dieu pour hôte.
Marche dans la douleur ; chez les pâles humains,
Tes pieds nus traceront de pénibles chemins ;
La faim enchaînera, dans les travaux serviles,
La blancheur de tes mains et tes ailes mobiles.
Pour t’aider à porter l’exil austère et lourd,
Tu crieras vers l’époux ; mais l’époux sera sourd.
La nuit entre nous deux épaissira ses ombres,
Et tes rêves s’iront heurter à des murs sombres,
Sans trouver hors du doute une issue à tes pas ;
Car ton flambeau d’orgueil brûle et n’éclaire pas. »

L’immuable destin a dicté ces menaces
À ce cœur pacifique où résident les grâces.
Mais toujours une larme, aux yeux du triste amant,
À chaque mot cruel, jaillit et le dément ;
Et si Psyché tremblante eût pu voir ce visage,
Si de ses sens l’effroi n’eût pas troublé l’usage,
Des tourments à souffrir et de l’arrêt porté,
Devant tant de douleur, son âme aurait douté.
Mais trop faible à sentir d’une bouche si chère
Ces traits inattendus lancés par la colère,
Mourante, elle s’affaisse et tombe aux pieds du dieu.
Et lui ! Comme son cœur saigne à quitter ce lieu !
Qu’il voudrait y laisser sa parole meilleure !…
Le destin a parlé… L’Amour fuit… mais il pleure !