Page:Laprade - Œuvres poétiques, Psyché, Lemerre.djvu/335

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les citoyens hagards rêvent de noirs combats ;
Où la discorde en feu couve au sein d’une fête !
Mer pleine de soleil et grosse de tempête,
Monde où tout rit là-haut, où tout gronde là-bas !

Qui peut rendre à ton cœur la paix de ton visage ?
Ta lèvre exhale au loin des chants mélodieux,
Et tes flancs sont troublés par la haine sauvage ;
Pareils aux volcans sourds, aux fleuves sans rivages,
Quand luttait le chaos contre les premiers dieux,

Pendant les longs discords d’Uranus et de Gée,
Avant que régnât Zeus, le vainqueur des Titans,
Qu’il eût contraint Phœbus à sa course obligée,
Et de sa forte main, du foudre encor chargée,
Eut affermi la terre et les cieux hésitants.

Ô déplorable ville, où nul n’est à sa place,
Où les lois sont une arme au lieu d’être un lien,
Où les plus élevés ont l’âme la plus basse,
Où le chef s’associe avec la populace
Pour mettre sous le joug les pâles gens de bien ;

Où les plus généreux sont poussés vers le crime ;
Où ceux qu’un juste chef unirait tous à lui,
Tous les hommes d’un sang illustre et magnanime,
S’ils veulent secouer le joug qui les opprime,
Ébranlent tout l’Etat dont ils seraient l’appui !

Ô déplorable ville, où la lyre infidèle
Divise au lieu d’unir et corrompt les humains ;
Où le sage est conduit à se défendre d’elle ;