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Et le pauvre insultait ce luxe et ces loisirs,
Jaloux de s’y vautrer lui-même.

Nul ne respectait plus l’antique loi du sort
Qui fit pour s’entr’aider et le faible et le fort,
Qui soumit les fils aux ancêtres ;
Tous rompant des devoirs l’harmonieux accord,
Nul n’acceptant d’égaux, nul ne souffrant de maîtres.

Un oppresseur, toujours, naît de pareils débats :
Il jette, en nous leurrant, les deux partis à bas ;
Il tourne à son profit nos craintes et nos haines.
Des couleurs de tous deux il a su se farder :
L’un espère tout prendre, et l’autre tout garder ;
Lui montre aux deux rivaux des victoires prochaines ;
Chacun voit abattu son ennemi, chacun
S’endort entre les bras de ce sauveur commun…
Et s’éveille chargé de chaînes.


ARISTOGITON.

Puis il laisse, avec art, sous son joug rigoureux,
Les partis se haïr et s’opprimer entre eux :
Tous les bons citoyens portent deux servitudes,
Les caprices du prince et ceux des multitudes :
Des contraires excès l’État souffre à la fois ;
Tout le fiel des partis s’infiltre dans les lois.
Un tyran mêle en lui les vices de deux races ;
Il a tous ceux des cours, tous ceux des populaces,
Il a, d’où qu’il soit né, d’humbles, de grands aïeux :
La bassesse insolente et l’orgueil envieux,
L’impuissance à se vaincre et les désirs immenses,
Le sourd mépris des lois, le goût des violences,