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Et le cri de la grive entre les chênes verts,
Et le vent dans les pins semblable au bruit des mers.
En montant, je cueillais un peu de chaque arbuste :
Et quand j’eus du rocher atteint la crête auguste,
J’y posai mon bouquet religieusement.
Je sentais du désert le saint enivrement ;
Avec l’air, et par flots odorants et sonores,
L’esprit de vie entrait en moi par tous les pores.
A genoux, je pleurai pour que Dieu nous bénit ;
Ma bouche se colla sur le sacré granit ;
Je priai sans parole, et mon baiser austère
S’imprima sur ton front, ô ma mère la terre !
Enfin je me dressai ; de mes deux bras ouverts
Sur ce trépied géant, j’embrassai l’univers ;
Comme un prêtre épanchant l’extase qui l’inonde,
J’envoyai mes baisers aux quatre points du monde
Quatre fois saluant et changeant d’horizon,
De notre Père au ciel je redis l’oraison,
Et, m’unissant d’amour à la nature entière,
A longs traits j’aspirai la vie et la lumière.
Puis, je courbai mon front sur mes deux mains en feu,
Et mon âme un moment s’anéantit en Dieu.

« Penche-toi sur mon cœur, toi d’où l’être ruisselle,
Verse à flots de tes yeux les fluides vivants ;
Coulez d’en haut, torrents de vie universelle,
Venez pour m’abreuver, venez des quatre vents !

« Ô lumière, ô couleurs, ô rayons de sa face,
Regards de l’infini de caresses chargés,
Rosiers de l’Orient effeuillés dans l’espace,
Sourires amoureux d’astre en astre échangés ;