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Un rayon inconnu jaillit de ses prunelles,
Sa main brûle la mienne, et je crois que son cœur
Comme moi du désir sent l’aiguillon vainqueur.
Le printemps, le soleil, ces bois pleins de délices,
De ma fatale erreur, hélas ! furent complices…
J’aspire en un baiser son âme, et sens frémir
Avec bonheur sa lèvre et doucement gémir…
Mais, ô terreur ! ô prix de mon amour farouche !
C’est un frisson mortel qui passe sur sa bouche !
Sous son front sans couleur se ferme un œil glacé ;
Sur ses reins fléchissant son cou s’est renversé,
Et, vierge, sur les fleurs et la mousse odorante,
Le lit prêt pour l’hymen la reçut expirante !

J’implorai tous les dieux ; des rameaux bienfaisants
Pour elle j’exprimai les sucs les plus puissants ;
Comme l’âme d’un lis que le zéphyr emporte,
De ce premier baiser mon amante était morte !

Dieux que je sers ici ! dieux des grandes forêts,
Seuls vous avez connu l’horreur de mes regrets,
Et quelle vision, obstinée à me suivre,
Depuis ce jour cruel sut me forcer à vivre.
Son ordre, et de l’oubli votre culte sauvé,
Et votre sacerdoce à mes mains réservé,
Seuls m’ont pu retenir sur la terre attristée
Que par mon crime, hélas ! votre fille a quittée.
Je reste pour garder, sous ces arbres chéris,
Vos rites éternels qu’elle m’avait appris,
Et répandre, en son nom, les vertus salutaires
Dont les fleurs du désert lui livraient les mystères.
Je tressai de feuillage un verdoyant linceul,
Et le soir, de la grotte ayant creusé le seuil,