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Ô terre ! en toi dormaient tous ces éclairs brûlants
Que t’arrache le ciel pour en frapper tes flancs !
Ainsi, crainte, remords, doute, orages suprêmes,
Votre invisible cause habite dans nous-mêmes,
Des assauts répétés que subit notre cœur
En vain nous accusons le monde extérieur ;
L’homme en lui, comme toi, porte, ô triste nature !
Le germe renaissant du mal qui le torture.

Et cependant, ô père, ô créateur d’heureux !
De toi, pour y rentrer, nous sortons tous les deux !
Dans l’œuvre où tu te plais, et qui vit de ton être,
Si rien n’est que par toi, d’où vient le mal, ô maître ?
Comment au fond du bien le mal s’est-il produit ?
De ce problème en vain j’interrogeai la nuit ;
Ni les bois, ni les mers, ni ma vierge divine,
Ne m’ont rien révélé de la triste origine.

Dieu garde ce secret ; mais, ô sainte Hermia !
Nature que mon cœur de parler supplia !
Ce que vous m’avez dit dans vos deuils, dans vos fêtes,
Ce que vous m’avez dit même au fort des tempêtes,
Ce que l’onde, et la feuille, et les oiseaux des bois,
Et son cœur, me chantaient avec toutes leurs voix,
Ce que je veux redire en paroles sans nombre,
C’est qu’au sein du grand tout le mal n’est rien qu’une ombre
Qu’il sera par l’amour à jamais effacé.
Oui, le mal finira, car il a commencé ;
Oui, l’être est bon, oui, tout doit bénir l’existence ;
Le bien seul est réel, le bien seul est substance ;
Et, sans cesse agrandi, chaque être doit, un jour,
De l’amour émané, retourner dans l’amour !