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Nous discernions leurs voix différemment parlantes,
Les échos variés mourant dans les ravins,
Le bruit distinct du chêne et celui des sapins,
Et les vents dont chacun, des branches qu’il traverse
Fait sortir, selon l’arbre, une note diverse.
Des nuages sculptés en mobiles tableaux,
Nous voyions au couchant s’enflammer les signaux ;
Sur chaque lettre sombre ou de pourpre vêtue
Nous cherchions de quel ton le soleil l’accentue,
Et la nuit, dans l’azur où Dieu les a tracés,
Lisions ces chiffres d’or qui roulent enlacés.
Elle savait dans l’air les routes parcourues
Par les migrations des cygnes et des grues,
De chaque oiseau les mœurs, le langage, et comment
L’art de bâtir les nids leur échoit en s’aimant,
Et quel est de chacun la sœur entre les plantes.
Car, les rapports secrets des natures vivantes,
Par quel lien sacré, mystérieux, profond,
Chaque degré de l’être aux autres correspond,
Elle avait tout senti : nos désirs, nos pensées
Dans les fleurs, dans les nids, intimement versées,
Sous la feuille ou la plume, à travers tous les corps,
Elle en suivait le germe ; et savait quels accords,
Dans l’évolution par Dieu même guidée,
Unissent la couleur et la forme à l’idée.

Vous, plantes, vous, surtout, dont le soleil revêt
Cybèle aux larges flancs comme d’un frais duvet,
Fleurs qui brodez les plis de sa verte ceinture,
Arbres, des monts courbés mobile chevelure,
Hermia vous aimait ; la paix et la douceur,
Et la sérénité, la firent votre sœur.
Elle connut les noms dont Dieu vous a nommées,