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Répétaient des accords appris de leurs chansons ;
Sa voix se répandait en des murmures vagues
Comme les bruits touffus des feuilles et des vagues ;
Il semblait que ces sons, de nous tous incompris,
Autour d’elle évoquaient d’invisibles esprits.
Les hommes exceptés, sans avoir eu de maître,
Elle savait parler dans sa langue à chaque être.
Et sa mère pleurait de n’avoir pas encor
D’un seul mot prononcé recueilli le trésor :
Car des lèvres d’un fils la syllabe première
Coule comme le miel dans le cœur d’une mère.
Or, celle d’Hermia bien des jours attendit
La douceur de son nom par son enfant redit.
Déjà grande et pensive, aux travaux de famille
Les parents avaient su plier la jeune fille,
Avant qu’à son murmure un mot se fût mêlé ;
Elle chanta longtemps avant d’avoir parlé.

Trompant de tous les siens la tendre vigilance,
Comme un jeune chevreau loin du troupeau s’élance,
Vers les taillis lointains, dès qu’elle put courir,
Du chaume paternel elle cherchait à fuir.
Nul n’aurait deviné sur ce tendre visage
L’amitié du désert si fière et si sauvage :
En vain d’autres amours dans son âme ont lutté,
Le charme des forêts l’a toujours emporté.

Lorsqu’après tout un jour passé dans les bois, seule,
Le retour lui montrait et la mère et l’aïeule
Encor pâles d’effroi pour l’enfant hasardeux,
Au lieu de la gronder, pleurant toutes les deux,
Elle pleurait aussi ; puis, toute la soirée,