Page:Laprade - Œuvres poétiques, Psyché, Lemerre.djvu/226

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La touchaient doucement comme des sœurs aînées,
Et, prompt comme ses yeux à s’ouvrir au soleil,
Son cœur semblait comprendre et bénir ce réveil.

Or, les jours de présents sont prodigues pour elle :
Chacun vient apporter une grâce nouvelle,
Et tourne avec amour autour de son berceau,
Offrant, pour la parer, ce qu’il a de plus beau :
L’un verse à ses cheveux tout l’or des moissons blondes
Et donne à son regard l’azur profond des ondes :
L’autre, pour la pensée et les rêves naissants,
Dessine de son front les contours grandissants,
Des vertus en son cœur sème avec soin les germes ;
L’autre sur le gazon soutient ses pieds plus fermes ;
Elle courut bientôt comme un jeune chevreuil.
La nature, inquiète et la suivant de l’œil,
Lui cachant les douleurs d’où plus tard naît le doute,
Rien qu’en leçons d’amour abondait sur sa route :
Et l’enfant, par chaque être au bonheur invité,
Respirait de partout la vie et la beauté.

Mais, comme les sapins qui vivent sur les cimes
Nourris de la rosée et des neiges sublimes,
Et ces herbes sans nom, et ces fleurs du haut lieu,
Et ces jardins jamais arrosés que par Dieu,
Son cœur, ayant racine au sein de la nature,
Refusait des mortels la savante culture,
Et le langage humain à sa bouche inconnu
Jusqu’à son âme encor n’était pas parvenu.
Elle comprenait bien tout ce que peuvent dire
L’accent qui vient du cœur, les soupirs, le sourire ;
Ses lèvres des oiseaux recevant les leçons,