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Le calice à la fleur, le nuage au rayon,
Comme si dans les airs dont l’esprit la pénètre
Son sein eût recueilli le germe de votre être,
Sans craindre de mourir, sans plainte et sans douleurs,
Elle vous mit au monde, Hermia, sur les fleurs !

On se rappelle encor ce jour dans nos contrées,
Tant le soleil fut beau, tant les forêts sacrées,
Et l’onde étincelante, et les plaines en feu,
Semblèrent s’éveiller plus près de l’œil de Dieu !
Tout le ciel était pur des vapeurs de la terre,
Comme un front virginal que nul souci n’altère ;
Les rêves infinis pouvaient prendre l’essor
Sans qu’un nuage heurtât, là-haut, leurs ailes d’or.
De cette matinée, on cite des prodiges :
Mille boutons éclos tout à coup sur leurs tiges,
Les serpents disparus dans leurs antres obscurs,
Et Dieu paralysant tous les êtres impurs,
Et d’invisibles voix sous l’ombrage entendues,
Et des gouttes de miel aux feuilles suspendues.
Dans la vigne et les prés, sur les bruns travailleurs
Il tomba de chaque arbre une neige de fleurs ;
De gais oiseaux volant au bord des toits champêtres
Posèrent des rameaux sur toutes les fenêtres.
L’air entrait comme un baume au cœur des affligés,
Les outils du labeur paraissaient plus légers ;
Chacun se sentait pur de ses haines passées,
Une heure enfin coula sans mauvaises pensées.

Sur le sein maternel, enfant joyeux et fort,
À la vie Hermia souriait dès l’abord ;
Les oiseaux lui parlaient, les plantes inclinées