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Confiant pour cet hôte, et pieux comme un fils,
Le jeune homme eut bientôt dit son nom, son pays,
Son invincible amour des monts, des forêts sombres,
Les désirs infinis qui pleuvent de leurs ombres,
Ses courses, son sommeil dans la grotte abrité,
Et le rêve charmant qui l’avait visité.
Et le sage l’aima ; dans les âmes brûlantes,
Il savait lire, ainsi que dans le sein des plantes ;
Il comprit cet enfant au désert envoyé
Pour y lire de Dieu le livre déployé.
Un soir, assis tous deux sous les roches voûtées,
Ayant pour frais tapis les mousses veloutées,
Tandis que sur le lac la brume s’épaissit,
Il prépara son cœur et lui fit ce récit :


I

C’est du soleil de mai qu’Hermia nous est née ;
Sa mère, au bout des prés par les fleurs entraînée,
Sous les rameaux en sève et les nids palpitants,
Avait, tout le matin, respiré le printemps.
Au bord du lac assise, appuyée au vieux saule
Dont les feuilles d’argent pleurent sur son épaule,
À ses pieds les iris, les joncs peuplés d’oiseaux,
Les cygnes amoureux jouant dans les roseaux ;
Ses yeux plongent au loin sur l’eau bleue et vermeille
Comme une large fleur où va boire une abeille,
Et sa bouche entr’ouverte aspire le baiser
D’un rayon de soleil qui vient de s’y poser
Là, seule et devant Dieu, sans assistance humaine,
Ainsi que l’épi mûr laisse tomber sa graine,
Comme l’écorce ouvrant un passage au bourgeon,