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Poursuis dans les déserts la grande âme du monde,
Fouille dans cette mer où chacun peut plonger ;
Chante, invoque, bénis : pour qu’elle te réponde.
C’est à force d’amour qu’il faut l’interroger.

Oui, l’homme, malgré tout, s’il aspire et s’il aime,
Au fond de l’univers voit un Dieu qui sourit.
Ô nature ! le mal n’est pas ton mot suprême,
L’ouragan fauche moins que le sol ne fleurit.

Oui, dans l’éclat divin dont ta face est empreinte,
C’est mieux que la grandeur que l’homme adore en toi ;
Quoique ton front chenu répande au loin la crainte,
Le nœud qui nous unit n’est pas un nœud d’effroi.

Car, même à travers l’ombre et le bruit des tempêtes,
Sur les rochers déserts où triste je rêvais,
Même au bas des glaciers qui craquaient sur nos têtes
Dans tes jours de colère et dans mes jours mauvais,

Sous tes sourcils froncés perçaient des yeux de mère,
Toujours près de l’absinthe une ruche de miel,
Toujours cent épis d’or pour une ivraie amère,
Et partout l’espérance, et partout l’arc-en-ciel !

Partout, des eaux, de l’air, des arbres, de la mousse,
De la neige, des fleurs, des ténèbres, du jour,
Des antres et des nids, sortait une voix douce
Qui remplissait l’espace, et qui disait : Amour !