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Mes feuilles verseraient l’oubli sacré du mal,
Le sommeil, à mes pieds, monterait de la mousse ;
Et là viendraient tous ceux que la cité repousse
Ecouter ce silence où parle l’idéal.

Nourri par la nature, au destin résignée,
Des esprits qu’elle aspire et qui la font rêver,
Sans trembler devant lui, comme sans le braver,
Du bûcheron divin j’attendrais la cognée.

1840.



II

LA MORT D’UN CHÊNE



I

Quand l’homme te frappa de sa lâche cognée,
Ô roi qu’hier le mont portait avec orgueil,
Mon âme, au premier coup, retentit indignée,
Et dans la forêt sainte il se fit un grand deuil.

Un murmure éclata sous ses ombres paisibles :
J’entendis des sanglots et des bruits menaçants ;
Je vis errer des bois les hôtes invisibles,
Pour te défendre, hélas ! contre l’homme impuissants.

Tout un peuple effrayé partit de ton feuillage,
Et mille oiseaux chanteurs, troublés dans leurs amours,
Planèrent sur ton front, comme un pâle nuage,
Perçant de cris aigus tes gémissements sourds.